L’exploitation familiale

“Une révolution agricole est en marche.”

Aujourd’hui on part à la rencontre de Didier Guillaumot, gérant de l’exploitation familiale. C’est une personne qui m’a forcément beaucoup inspiré au cours de ma vie. Il a toujours pensé différemment en cherchant à faire évoluer son exploitation pour que celle-ci s’adapte à l’évolution du monde agricole. L’interview était l’occasion de revenir sur son parcours, comprendre sa vision et avoir ses conseils. Mais aussi parler du futur, d’innovation et d’agriculture durable.

Didier Guillaumot à la réception du John Deere 7R310, 2021

Présente-toi rapidement, ton expérience, les dates clefs de l’exploitation et l’état actuel de l’exploitation.

J'ai 59 ans et je suis agriculteur céréalier depuis 40 ans. A la suite d’un problème de santé contracté par mon père, j'ai repris l'exploitation familiale en 1982 qui était en BIO à cette époque, j’avais 19 ans. De formation scientifique, j'ai surtout appris en travaillant au fur et à mesure des années. Dans mes débuts et jusqu'en 1997, l'exploitation faisait de 90 Ha et comptait un élevage laitier. En 1997, nous avons décidé, avec mes beaux-parents qui faisaient aussi du lait, de se spécialiser dans les céréales et de travailler ensemble jusqu'en 2013, où j’ai repris leur exploitation pour donner suite à leur départ en retraite. Aujourd’hui l’exploitation regroupe 256 ha auxquels viennent s’ajouter 220 ha que j’entreprends pour des tierces, le tout en agriculture conventionnelle.

Ford 2000, l'un des premiers tracteurs de la ferme encore en service

Quelles ont été les grosses évolutions de ton secteur d’activités depuis que tu as repris la ferme familiale ?

« On est passé de la pataugeoire au bassin Olympique ». En effet à mes débuts il suffisait de travailler pour gagner de l'argent. On ne pouvait pas non plus faire n'importe quoi, la gestion avait déjà son rôle à jouer mais tout était beaucoup plus simple. Tu stockais du grain, tu le vendais, les prix agricoles étaient franco-français et stables. Nous n’avions aucune règlementation pour les phytos, les engrais, c'était la liberté casi totale en quelque sorte. Puis dans les années 90, la PAC et le début de l’ouverture des marchés ont tout bousculé. Il a fallu orienter ses productions et son raisonnement en fonction des primes PAC pour s’assurer un peu de sécurité, car les cours mondiaux étant instables, nous avons aucune garantie de prix. En parallèle, les réglementations liées à l’environnementales ont commencé à émerger.

L'un des trois endroits où le grain est stocké, John Deere 7R310 x Maupu, moisson 2021

Qu’est ce qui, selon toi, fait la réussite d’un céréalier à l’heure actuelle ?

Quand on est céréalier on a beau bien travailler, presque tout le résultat de l'année se joue sur la vente de la production et les achats de nos intrants sur les marchés internationaux.

« Avoir de la trésorerie pour être flexible ». Pour moi, la première étape consiste à éviter de dépendre des besoins de trésorerie, sinon on ne peut pas être maitre de nos ventes et de nos achats. Avoir des liquidités d'avance et dans l'idéal, une année d'avance ! Au début c’est difficile d'avoir cette avance mais il faut que ça soit le premier objectif. Quand on a de la trésorerie, on a la possibilité d’acheter et vendre au meilleur moment. Par exemple, j’ai remarqué que l'engrais était plus abordable au printemps et à tendance à légèrement augmenter au cours de l’année. J’ai toujours obtenu des bons prix, cependant cette année le cours de l’engrais est devenu complétement fou et les prix ont triplé. Même avec l’expérience, dans ce métier on ne maîtrise pas tout, et ça complique pas mal les choses !

« Pas de solution miracle ». Quant aux ventes des productions, c’est le même principe, je ne connais malheureusement pas la solution miracle. Avec l’expérience je me suis rendu compte que j’obtenais de meilleurs résultats en fractionnant mes opérations sur une longue durée. C’est en quelque sorte une technique pour sécuriser un prix moyen sur toute l’année.

 « Investir et gérer ». Enfin il y a un autre critère important pour réussir, il faut gérer, investir et optimiser la fiscalité de l’exploitation. Une exploitation agricole, c’est comme une entreprise, investir est la clef. Il faut absolument investir dans un parc matériel récent pour éviter les réparations, des stockages pour garder de la flexibilité sur ses ventes si on veut que notre exploitation reste compétitive et pérenne.

Une journée de moisson à la ferme, vu du ciel. Maxence 2022

Quels sont et/ou seront pour toi, les principaux défis des céréaliers Français dans les prochaines années ?

« Une révolution agricole est en marche. » Comme nous avons pu le constater cette année gérer les caprices des marchés est le premier défi des céréaliers. L'évolution stratosphérique des matières premières va rebattre les cartes et peut-être réorienter les productions. La nouvelle PAC qui arrive sera aussi décisive, notamment avec sa prime carbone, ses règlementations sanitaires et environnementales, notamment dû au réchauffement climatique. Autant de paramètres avec lesquels il est encore difficile de prendre position. Dans tous les cas, la dynamique sera de produire autant et mieux, car la population mondiale continue d’augmenter, mais pas nos ressources. Enfin je vois un dernier défi, c’est l’arrivée des nouvelles technologies notre secteur. Le matériel agricole c’est déjà beaucoup sophistiqué depuis que j’ai commencé, mais ce qui semble arriver c’est encore plus grand. Je suis certain qu’une révolution agricole est en marche, et je ne sais pas si les agriculteurs sont prêts à travailler avec ces nouveaux outils, la formation va être importante.

Semis avec JD6150R x Kverneland Seedern, 2021

Tu parles de révolutions, comment penses-tu que ton métier va évoluer dans les prochaines années ? Quel est ton point de vue sur l’agriculture responsable, le BIO ?

« La robotisation peut être la solution ». Il me faudrait une boule de cristal pour savoir à l'avance comment les marchés vont évolués. Plus sérieusement, j’attends vraiment des machines qui pourraient remplacer les désherbant, fongicides et les insecticides à grande échelle. La robotisation peut être la solution pour répondre à ses problématiques. A voir si l’investissement nécessaire dans cette technologie sera rentabilisé grâce à une production accrue où valorisé par de meilleurs prix. Cela étant, je pense que les céréaliers seront dans les derniers, car notre production par hectare est faible et nos surfaces immenses.

« Le 100% BIO, ce n'est pas la solution ». Pour le moment, le 100% BIO, ce n'est pas la solution, on n’a pas encore les connaissances. Cultiver en BIO ne produit pas assez, surtout dans un contexte où la population mondiale croît de 100 millions chaque année. De plus le modèle économique et le marché du BIO n’est pas encore rentable à grande échelle et sur le long terme. Ce qui permet aux agriculteurs qui produisent BIO d’en vivre, ce sont les diverses aides dont ils bénéficient, sur la production, sur le matériel …

« Il faut récompenser les bonnes pratiques agricoles ». A ce sujet, on peut prendre l’exemple des terres qui sont à nues pendant l’hiver, ce n’est pas normal. Recouvrir ses terres d’un couvert végétal, en plus des biens fait agronomiques, permet de consommer du gaz carbonique, principal responsable du réchauffement climatique. Malheureusement, le couvert à un coût et il n’existe pas d’aide pour nous encourager à mettre en place ses bonnes pratiques. Des aides existent déjà pour d’autres systèmes moins bénéficiaires à l’environnement comme l’ajout de trèfle dans une céréale, qu’attend-t-on ?

«La nouvelle génération trouvera les solutions». Enfin c’est certain qu’avec l'épuisement des ressources et l'augmentation de la population, il va falloir produire plus et consommer moins. Et les consommateurs ont aussi leur rôle à jouer dans le processus, en consommant plus local, moins de viande… On va peut-être aussi devoir utiliser des machines à hydrogène où électrique ? Des plantes plus économes en intrants ou plus robustes ? Je ne sais pas, c’est la nouvelle génération d’agriculteur qui trouvera des solutions, de toute façon il faudra évoluer !

JD 7230R x Horsch Sprinter - 6175R x Leboulch - 6195R x Amazone UX, 2020

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