ROBOTS DANS LES VIGNES : Gagner du temps grâce à l’automatisation du travail du sol dans mes vignes

« Je suis redevenu maître de mon temps »

Êtes-vous un viticulteur ? Êtes-vous intéressé par la technologie ? En juin 2022, AgTech Market part à la rencontre des viticulteurs Français pour discuter méthodes de travail, challenges et innovations.

Plus d'informations sur le projet ici : EXPLORATION DU VIGNOBLE FRANÇAIS

INTRODUCTION

Aujourd’hui, nous partons à la rencontre de Yannick Robiglio, 49 ans, viticulteur avec plus de 15 ans d’expérience. En 1998, il s’installe avec son père sur un domaine situé à Trets, dans les Bouches-du-Rhône, en France. En 2011, il reprend l’activité familiale et gère seul les 50 hectares de vignes et 30 hectares de grandes cultures en conventionnel que compte l’exploitation. Fin 2020, et convaincu que les herbicides n’étaient pas la solution, il décide d’investir dans un robot agricole dédié au travail du sol. Aujourd’hui et après un an d’expérience avec la machine, Yannick revient sur le travail du sol effectué avec cette machine sur 35 hectares de son domaine, il nous partage le pourquoi de son choix, son retour d’expérience et sa vision à plus long terme.

Pourquoi as-tu décidé d’investir dans la robotique ? As-tu reçu le soutien de l’Europe/région ?

Je suis issu d’une formation BTS en mécanique et j’ai passé plusieurs années de ma vie en tant que projeteur mécanique, les nouvelles technologies et la technique m’ont toujours attiré.

Ensuite, depuis que j’ai repris la gestion du domaine, la pénurie d’ouvrier agricole se fait de plus en plus ressentir. Impossible de trouver des tractoristes qualifiés et motivés pour passer des journées entières sur le tracteur afin d’assurer le travail du sol. Du coup, je m’occupais de cette tâche répétitive et chronophage, et je redoutais ce moment chaque année.

Depuis, avec le débit de chantier du robot, j’arrive à avoir 2-3 mois d’avance sur ma saison de désherbage, je ne cours plus après le temps et ne considère plus cette tâche comme un fardeau. En déléguant le travail du sol à cette machine, cela m’a permis de gagner en flexibilité et me dégager du temps sur d’autres tâches plus valorisantes.

Bien-sûr, le critère économique a été pris en compte lors de mon investissement, car oui cette machine a un coût. Je n’ai pas fait les démarches pour percevoir les subventions de l’Europe ou de la région, mon achat n’était pas motivé par ces subventions. En préparant cet investissement, j’ai étudié les gains en temps et en argent que pouvait m’apporter cette machine, et au vu des résultats de la première année, le projet est viable.

Yannick à droite et son père à gauche. Photo de Vitibot

Comment as-tu su quelle était la technologie de robot la plus adaptée pour ton exploitation ?

Entre le moment où j’ai songé à investir dans la robotique et le moment où j’ai acheté un robot, il s’est passé entre 2 et 3 ans. Ce genre de produit est nouveau sur le marché, on a quelques doutes au début, c’est pourquoi il est important de bien préparer le projet et de choisir le produit le mieux adapté à son exploitation. A la base, je pensais à robotiser le désherbage de ma production d’iris, avant de me rendre compte que le vignoble était la partie de l’exploitation où j’en avais le plus besoin.

J’ai rencontré les deux principaux acteurs de la robotique agricole en France au SITEVI en 2019. Après avoir rapidement discuté avec eux, j’ai demandé à tester les deux machines sur mes parcelles. L’objectif était de les mettre en conditions réelles, voir leur capacité et comment j’allais pouvoir m’en servir sur mon vignoble. La première entreprise est venue en démonstration été 2020 et la seconde quelques mois après. Les démonstrations ont eu lieu sur 5 hectares de parcelle. Et après avoir vu les deux machines tourner, j’ai estimé que le robot avec les intercepts électriques était la plus adaptée à mon exploitation. Une fois la dernière démonstration faite, tout est allé très vite, en un mois l’affaire était conclue.

Le robot en conditions réelles, Photo de Vitibot

Comment as-tu appris à utiliser le robot ? Après combien de temps tu t’es estimé autonome ?

 J’avais déjà eu l’occasion de me servir de la machine lors de la démonstration. Lors de la livraison du robot, une formation de 3 jours consécutifs à lieu avec un expert. Pendant cette formation, on revoit ensemble les points clefs autour de l’utilisation du robot, la sécurité, la programmation, les divers composants … Le constructeur en profite aussi pour réaliser la cartographie des parcelles sur lesquelles la machine va tourner.

Après je ne sais pas si c’est grâce à ma formation et mon expérience dans la technique, mais après 2 heures d’utilisation, j’étais déjà autonome sur la machine. Ce sont des machines qui semblent compliquées d’apparence, mais en réalité, c’est d’une facilité déconcertante.

Formation suite à la réception du robot. Photo de Vitibot

Comment s’est passé la mise en route de la machine, les bons côtés comme les moins bons ?

Vu que j’avais déjà vu la machine tourner sur mon domaine, je savais de quoi elle était capable avant même sa mise en route officielle. De souvenir, quelques composants électroniques défaillants mais rapidement changés, sinon aucune grosse défaillance à noter. Après comme toute mise en route, il y a eu quelques jours de réglage et de calibrage à mettre en place pour que la machine soit parfaitement autonome dans mes parcelles. D’où l’intérêt d’avoir un expert sur place les premiers jours, pour régler ces détails et pouvoir faire tourner la machine le plus rapidement possible.

Cette année, j’ai pris un peu de retard sur ma saison. En effet, j’ai décidé d’installer sur le robot de nouveaux outils pour le travailler le sol, l’objectif étant de me décharger d’encore plus de travail. Comme tout changement, il a fallu un peu de temps avant de trouver les bons outils et la bonne configuration pour les installer sur la machine. On y travaille toujours d’ailleurs, mais je ne suis pas inquiet, je sais que le robot va rattraper ce retard rapidement.


Comment sont organisés le service/assistance technique et la maintenance ?

C’était un des points importants auquel je tenais avant d’investir. En investissant dans de telle technologie, j’avais conscience que des imprévus pouvaient survenir au fur et à mesure de son utilisation, il était donc primordial que le constructeur soit réactif.

Le constructeur met à disposition gratuitement une hotline téléphonique qu’on peut appeler quand on en a besoin. Dans la plupart des cas, les équipes ont des retours d’informations en temps réel sur la machine. Ils peuvent analyser le problème très rapidement et le corriger à distance si besoin, sans forcément avoir besoin que j’intervienne.

Ensuite, il faut savoir que ces machines sont en constante évolution, surtout la partie logicielle. Depuis un an, une douzaine de nouvelles versions télécommande et 4 versions de logiciel robot ont eu lieu. Pour installer ces versions, ce n’est pas compliqué, il me suffit de me synchroniser avec les équipes pour installer ses mises à jour à distance, j’ai juste besoin d’allumer la machine.

Pour finir, s’il y a besoin de se rendre sur place, le constructeur travail en partenariat avec un distributeur formé et se situant à proximité de mon exploitation. Ce qui fait que même si un problème persiste, il peut être corrigé dans la journée ou le lendemain au plus tard.

Comment as-tu adapté ton exploitation et tes méthodes de travail pour que le robot soit autonome ? 

Les modifications de mes parcelles ont été minimes, sachant que j’avais déjà pour habitude de travailler le sol au tracteur avec des intercepts mécaniques, le robot et ses intercepts électriques se sont très bien adaptés. J’ai protégé le système de gouttes à gouttes et les quelques bornes présentes dans mes parcelles, pour éviter de les arracher. J’ai raccourci quelques rangs pour laisser suffisamment d’espace au robot pour effectuer ses demi-tours, rien de très couteux.

Quant à mes méthodes de travail, je pense qu’elles sont beaucoup moins contraignantes qu’avant. Le robot me permet de travailler le sol à 4-5 km/h, soit 2 fois plus rapidement qu’avec le tracteur. Donc forcément, mon planning est beaucoup plus souple qu’avant. Plus le robot travaille et plus il est rentable. J’effectue donc plus de passages et plus régulièrement, sans que ça ne me coûte pas plus chère.

Lorsque le robot travail, je peux aussi me consacrer à d’autres tâches dans la même parcelle tout en le surveillant, je passe des coups de téléphones, je fais un peu de palissage, je taille... Je suis en quelque sorte redevenu35 maitre de mon temps.

En 1 an d’experience avec la machine, quelle est l'évolution de l'utilisation de ton robot, combien d'heure / d'hectare par an travail-t-il, et sur quelles taches ? 

En seulement un an, la machine a déjà fait beaucoup de progrès, notamment grâce à ses mises à jour de version régulières. Elle tourne plus vite dans les demi-tours, la fiabilité s’est nettement améliorée avec moins d’arrêts qu’au début. Il arrive que la machine tourne 6 h sans que j’intervienne. Bien sûr, tout n’est pas encore parfait, mais ça progresse très vite !

En 2021, la machine a effectué environ 140 h de travail du sol avec ses intercepts électriques, ce qui équivaut à 280h de tracteur économisé. Elle a tourné sur 35 hectares de parcelles, réalisant entre 3 à 5 passages par parcelle en fonction de la pression des mauvaises herbes de chacune des parcelles.

Pour cette saison, j’aimerais que le robot prenne en charge le travail du sol avec des disques émotteurs et les doigts Kress, ce qui me permettrait d’économiser encore des heures de tracteurs. L’objectif, c’est de continuer de déléguer des tâches au robot, de le faire travailler le plus d’heures possible et sur un maximum d’hectares, plus il travaille, plus il se rentabilise vite.

Le robot équipé avec les intercepts électriques. Photo de Vitibot

Comment espères-tu voir ton robot évoluer, s’améliorer dans les prochaines années ? Est-ce que tu te vois automatiser d’autre tâches dans les prochaines années ?

A court terme, j’aimerais que le robot s’occupe de 100% du travail du sol sur les 35ha du domaine, qui de mon point de vue est la tâche la plus chronophage. Et pourquoi pas le faire travailler sur plus d’hectares dans les prochaines années. Je songe en ce moment à agrandir le domaine sur les parcelles actuellement dédiées aux grandes cultures.

Initialement, j’avais en tête que le robot effectuerait uniquement le travail du sol. Mais je sais que le constructeur travaille sur un système de pulvérisation confinée et que ça avance bien. Au final, plus j’utilise le robot et plus je me dis pourquoi pas automatiser la pulvérisation avec le robot, après avoir vu les progrès qu’on peut faire en 1 an, je ne m’interdis plus rien.

Sur du plus long terme, il y a aussi d’autres tâches chronophages que je rêverais d’automatiser, je pense notamment à l’épamprage, l’écimage ou encore la tonte. Pour le moment, ce ne sont que des idées, mais une fois qu’on aura automatiser le travail du sol, on se tournera vers d’autres tâches, c’est certain.

Quels conseils donnerais-tu aux autres agriculteurs qui envisagent d'acheter un robot de terrain ?

 Difficile de prodiguer des conseils, je pense que tous les projets sont différents les uns des autres. Les seuls conseils que je puisse donner, c’est de bien se renseigner, poser des questions à d’autres utilisateurs et aussi aux constructeurs. Ne pas hésiter à tester les diverses solutions du marché en conditions réelles et si possible sur ces propres parcelles. Ça permet de vérifier qu’on est à l’aise avec la machine et se faire une idée de son potentiel. Selon moi, cette étape de préparation du projet est indispensable pour savoir sur quelle surface et sur quelle partie du domaine on va pouvoir l’utiliser et la rentabiliser la machine.

Le robot en travail autonome. Photo de Vitibot

 Est-ce qu’il y a d’autres technologies que tu attends tout particulièrement ?

 Je suis toujours à la recherche de nouvelles solutions qui peuvent me simplifier la vie. En ce moment, je regarde pour mécaniser la taille de mes vignes. J’ai vu que des solutions de taille rase de précision existent déjà sur le marché, j’attends de voir si mon domaine est adapté.

Je regarde aussi tout ce qui se fait en matière de sondes, drones et collecte de données, mais ce n’est pas une priorité pour le moment.

En ce qui concerne le gel et la grêle, je me suis aussi renseigné sur différents systèmes pour les parer, mais à ce jour, je ne suis pas convaincu par une solution plus que l’autre, j’attends de voir leur évolution. Dans tous les cas, je pense qu’il faut rester ouvert et continuer à évoluer, c’est la clef.

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