CEOL : Un robot développé sur le terrain
« Préparer notre vignoble à la révolution viticole qui arrive ! »
Le robot CEOL est un chenillard inter-rang développé à Toulouse par la jeune société Agreenculture. En 2021, Pellenc, conscient du potentiel de cette machine, décide de rentrer dans le capital de la jeune start-up pour l’aider à faire évoluer son prototype en un produit commercialisable d’ici 2023. A l’heure actuelle, CEOL est capable de travailler plusieurs hectares par jour en autonomie grâce à son GPS RTK et son porte outil arrière lui permettant de tracter différents outils. Mais revenons en 2019, lorsque la famille Terrigeol voit pour la première fois le robot en action et décide de l’intégré à son vignoble. Quentin Terrigeol revient sur ses 2 ans d’expériences avec le robot CEOL.
Le viticulteur et son vignoble
Nom : Quentin Terrigeol
Âge : 28 ans
Expérience : BTS viticole et 7 ans d'expérience dans différents domaines
Localisation : France / Gironde / Saint-Ciers sur Gironde
Domaine : 88 ha dont 60 ha en Bordelais et 28 ha en Charente
Certification : Certifiée HVE / Terra Vitis / 30 ha en BIO
Tracteurs et Vendangeuses : Principalement Case et Gregoire
Bons et mauvais points
+ Travail plus précis que le tracteur
+ Fenêtre de travail allongée
+ Economie de carburant et autonomie du thermique
+ Réactivité et écoute du constructeur
- Manque de maturité du produit
- Temps de réception des composants
- Cartographie et réception GPS
- Temps d’investissement
Données techniques
Robot : CEOL / Agreenculture / 2021
Heures de fonctionnement : 600h moteur
Poids : 750 kg - 1000 kg
Energie : Thermique / 30L de réservoir / 15 h de travail
Outils : Lame intercepts / Broyeur / Dents vibro
Caractéristique remarquable : Antenne surélevée
Prix brut : 60 000 € le prototype avec cadre porteur, broyeur et 15 hectares de cartographie
Pourquoi investir dans la robotique agricole ?
Les robots viennent répondre principalement à deux problématiques sur le vignoble:
La première est générale, on la retrouve partout en France, c’est la pénurie de main d’œuvre. Le marché de l’emploi est très compétitif, surtout pour les tractoristes, de tel manière qu’ils retrouvent un travail en quelques jours. De plus notre proximité avec la région Cognac ne nous aide pas non plus. Cette région s’en sort mieux économiquement et a donc une meilleure position pour proposer des salaires plus attractifs.
La seconde, c’est qu’on a fait le choix de passer 30 hectares de notre vignoble en BIO il y a trois ans. Et même si on était pas des grands adeptes du désherbage chimique, c’était la solution miracle lorsqu’on était en retard sur notre désherbage mécanique. Depuis qu’on est en BIO, il faut passer 4 à 5 fois pour gérer l’herbe sous le rang, c’est un travail chronophage. On a donc identifié les travaux répétitifs et pénibles afin de trouver de nouvelles solutions, et il s’est avéré que la robotique était la meilleure option.
Comment en êtes-vous arrivé à devenir partenaire développement d’un constructeur ?
J’ai commencé à me renseigner sur les robots agricoles dès 2017. A cette époque, on voyait les premiers robots dans les vignes, mais l’investissement me semblait trop élevé pour un enjambeur par rapport au gain. En avoir vu un en démonstration m’a quand même confirmé l’idée que ces machines allaient révolutionner le monde viticole, comme l’ont fait les vendangeuses. En revanche, je n’étais pas convaincu que ça évoluerait aussi vite.
En 2019, j’ai entendu parlé d’un robot chenillard inter-rang qui était en développement chez un de nos voisins qui cultive des sapins. Le robot n’en était qu’à ses débuts, mais le concept m’a parut plus adapté à notre vignoble et nos méthodes de travail. La première étape fut de convaincre le constructeur d’essayer sur quelques ares de vigne pour essayer, puisqu’il n’avait encore jamais travaillé sur cette culture.
A partir de la saison 2020, tout s’est accéléré puisque le constructeur a organisé des démonstrations dans le secteur pour trouver ses premiers viticulteurs partenaires pour 2021. Conscient du potentiel de la machine et des difficultés de recrutement qu’on subissait, on s’est lancé avec le constructeur pour intégrer l’une de ces premières machines sur le vignoble.
Le constructeur ne cherchait pas à vendre ses machines, il proposait plutôt la possibilité d’un partenariat de développement pour continuer de faire évoluer sa machine en condition et utilisation réelles. Pour rejoindre le projet, il fallait acheter une machine, à un prix inférieur au prix final, et garantir une certaine disponibilité. En retour, le constructeur mettait à disposition son service, les réparations, les améliorations et certains outils gratuitement.
Combien de temps a-t-il fallu pour s'habituer au robot ?
Comment as-tu vu ton robot évoluer depuis ses débuts, quelles ont été les plus grosses améliorations ?
En 2019, la première fois qu’on a vu la machine sur nos parcelles, on partait de loin puisque la machine n’effectuait pas encore les demi-tours. Les nombreuses améliorations menées sur la saison 2020 ont permit d’adapter la machine aux conditions viticoles.
Lorsqu’on investit dans ce projet en 2021, le prototype prend forme mais il reste toujours des problèmes de fiabilité à régler. Les nombreuses interventions humaines nécessaires ne nous permettaient pas de trop nous éloigner de la machine.
Comme tout produit en développement, les pannes et des améliorations furent nombreuses. Parmi les plus impactantes, le manque de puissance lorsqu’on travaillait le sol a été corrigé par un changement de moteur. La perte ou le manque de réception du signal dû à la densité de végétation, fut corrigé en surélevant l’antenne. La cartographie AB a été revue car elle était trop approximative, surtout dans les parcelles les plus anciennes. Les autres composants et la partie logiciel ont aussi été améliorés mais c’était plus régulier et donc moins flagrant.
Aujourd’hui on a une machine qui a considérablement progressé, plus autonome, plus fiable mécaniquement et logiciellement. Bien sûr, tout n’est pas encore parfait, mais la machine arrive à couvrir les 15 hectares qu’on lui a dédié. Et quand on lance une mission et qu’on reçoit seulement le message : “Travail terminé”, quel sentiment de satisfaction quand on sait d’où on part.
Comment le service et la maintenance sont-ils organisés ?
En plaçant plusieurs de ses machines dans un même secteur, le constructeur a facilement pu quadriller son secteur et mettre à disposition 2 techniciens sur place. Le service et la maintenance sont gérés directement avec eux. Pour le moment, les divers abonnements, mises à jour et les autres services comme la cartographie, ne me sont pas facturés mais ça faisait partie du contrat.
Lorsque je suis en panne, j’appelle les techniciens ou mon voisin qui est à présent un expert de la machine. Si la panne est mécanique ou liée à un composant, le technicien remplace la pièce, s’il doit la commander ça peut prendre plusieurs jours. Si la panne est logicielle, c’est l’équipe présente à Toulouse qui prend la main à distance sur le robot et corrige le problème, cela peut prendre une heure, plus si c’est lié à un défaut de version.
Les mises à jour sont directement gérées à distance par le constructeur qui a juste besoin que je laisse la machine allumée.
As-tu dû changer la façon dont tu travailles pour intégrer le robot sur ton vignoble ?
Oui bien sûr comme toute révolution, elle n’arrive jamais sans changement, les vendangeuses en sont le parfait exemple. Que ça soit nos méthodes de travail ou les parcelles, il a faut réapprendre à travailler avec cette machine.
L’utilisation de vendangeuses nous a obligé à devenir plus rigoureux dans notre travail et sur nos parcelles. Lorsqu’on travaille le sol avec le robot ou au tracteur, on comprend pourquoi il est important d’avoir des rangs et des ceps alignés et droits. Et c’est pareil pour l’entrée dans le rang, avoir un piquet permet d’éviter que les lames ne se prennent dans l’amarre. Si on veut que l’utilisation du robot soit optimale, on a pas le choix, il faut qu’on soit plus rigoureux et qu’on s’adapte.
Quant à nos méthodes de travail, avec le robot on a tendance à passer plus régulièrement et faire plus de passage. Le robot n’a pas la puissance d’un tracteur, donc si on ne gère pas l’herbe assez tôt, il devient alors impossible de la rattraper. En revanche, la légèreté de la machine et ses chenilles nous permette d’avoir une plus grande fenêtre de travail. On rentre dans les parcelles plus tôt après une pluie et on peut y rester plus tard car le robot n’a pas d’horaires et ne se fatigue pas, dimanche compris.
Comment fais-tu travailler le robot ? Quelles tâches ? quelles surfaces ?
Pour le moment, le robot travaille uniquement sur 15 hectares de notre domaine en BIO. Généralement, je laisse la machine dans la parcelle, je la change de parcelle et la ravitaille en carburant le matin. Je la programme et règle les outils sur 1 aller-retour avant de la laisser en autonomie jusqu’à recevoir un message de sa part. Les 15 hectares sur lesquels elle travaille comprend des parcelles de 1,5 à 5 hectares qui sont situés juste à coté de nos locaux, ce qui nous permet de garder un œil constamment sur elle.
On le fait travailler principalement avec 2 outils : des lames intercepts pour désherber sous le rang et un broyeur pour tondre les inter rangs. Pour la tonte, il effectue en moyenne 5 passages par an en laissant un intervalle de 10 jours entre deux passages. Pour les lames, on va effectuer entre 3 et 6 passages par an en fonction des parcelles. On a aussi essayé de lui faire broyer les sarments, mais le robot est léger en puissance et c’est un travail qu’on réalise qu’une fois par an, donc peu d’intérêt pour le moment.
Avec les lames et la tonte on le programme à 2-3 km/h. Sachant qu’on travaille avec 2 mètres d’écartement dans le Bordelais et qu’un rang sur deux enherbé. On atteint des débits de chantier max de 0,3 ha/h pour les lames et 0,6ha/h pour la tonte. Avec le tracteur, on est 2 fois plus rapide.
On a fait un peu de vibro aussi pour désherber l’inter rang. Avec cet outil on arrive à rouler à 4km/h soit un débit de chantier de 0,8ha/h.
quelle est la précision du robot par rapport au tracteur ?
Si au niveau de la productivité le robot ne peut pas lutter, au niveau de la qualité et la précision du travail, il est meilleur. Avec son GPS, on a une précision de 1-2 cm, et ça peut importe le moment de la journée ou de la nuit, le robot travaille avec la même précision tout le temps. Sachant qu’on va moins vite, on est moins agressif sur les ceps lorsqu’on travaille avec les lames. Je préfère aussi la tonte réalisée par le robot, puisqu’en roulant à 2 km/h, la qualité de tonte est meilleure que quand on roule à 6 km/h avec un tracteur.
Un autre facteur est à prendre en compte dans la conjoncture actuelle, c’est la consommation de carburant. Bien que CEOL soit thermique, il consomme entre 1,5 - 2 L de GNR à l’heure soit environ 6L/ha. De son côté, la consommation de nos tracteurs se rapproche plus des 12L/ha.
Comment vois-tu évoluer ton robot dans les années à venir ? est-ce la fin des tractoristes dans les vignes ?
Plus le robot évolue plus il est autonome et fiable. En 2 ans il a fait d’énorme progrès et ce n’est pas fini. D’après nos calculs, si on exploite tout son potentiel, il est capable de gérer la tonte et le désherbage sur 40 hectares. Maintenant qu’il a fait une saison complète sur 15 hectares, dès l’année prochaine, on a prévu de travailler 10 hectares supplémentaires avec.
Je pense qu’il faut plus qu’on évolue vers une flotte de robot mono-tâche plutôt qu’avec un gros robot multifonction. Travailler avec une flotte nous permettrait d’économiser le temps de changement d’outils et de réglage, tout en nous laissant la possibilité d’interchanger les machines si une d’entre elle tombe en panne.
Pour le moment les constructeurs se limitent au travail du sol et à la tonte, mais je suis convaincu que d’autres travaux vont être automatisés d’ici les prochaines années, je pense aux traitements, à la gestion de la canopée ou encore la taille.
En ce qui concerne les tractoristes, je ne les vois pas disparaître, je vois plutôt leur métier muter vers une fonction de gestion de flotte. On aura toujours besoin de gérer la logistique et les itinéraires techniques, vérifier les réglages, superviser et dépanner les robots.
Quels conseils donnerais-tu à d'autres agriculteurs qui envisagent d’investir dans un robot ?
Notre cas est assez particulier sachant qu’on partait avec un concept plus qu’un produit déjà commercialisé. Mais dans les deux cas, je pense qu’il ne faut pas voir le robot comme un outil miracle que l’on met dans nos parcelles et qui va résoudre tous nos problèmes. Plus on investit tôt dans son développement plus il va nous demander du temps, que ça soit pour la prise en main, l’amélioration ou le suivi. En revanche, plus on se lance tôt dans un projet, et plus on a conscience du potentiel et de comment faire évoluer notre vignoble pour cette technologie.
Si on veut que la machine performe, il ne faut pas s’arrêter aux premières pannes, il faut sans cesse se remettre en question et réfléchir à comment améliorer ses pratiques. Par rapport aux tracteurs, le robot a ses avantages et ses défauts, mais c’est à nous de nous adapter et de réapprendre à travailler avec pour réussir à en tirer le meilleur.
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